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Les enquêtes d'Arsène Barbaluc
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13 novembre 2010

LA BOUILLABAISSE (Le calisson jusqu’à la lie)

...
- Comme quoi la tradition, ça a du bon ! Sa bouillabaisse, ma mère la tenait de sa mère, qui elle-même la tenait de sa propre génitrice. Autant dire qu’elle vient de loin !
- C’est sûr.
Arsène qui aurait bien aimé lever le camp eut le tort de relancer la discussion.
- Vous, dans la vôtre vous ne mettez pas de pommes de terre ?
Qu’est-ce qu’il n’avait pas dit là.
- Des pommes de terre ? Malheureux ! Je sais que des farfelus en mettent mais, dans la vraie bouillabaisse, il n’y a pas de ces tubercules ! Que voulez-vous qu’elles apportent à la bouillabaisse ? Rien ! C’est le contraire, c’est la bouillabaisse qui leur apporte son goût. Enfin, a priori on ne fait pas de la bouillabaisse pour qu’elle donne du goût à des patates, tout de même ? - Certes, opina Arsène.
A l’évidence, ce postulat ne semblait pas discutable.
- Mais je vois que malgré tout votre savoir, vous avez encore deux ou trois petites choses à apprendre sur notre plat national. D’abord, il faut tordre le coup aux rumeurs. Un : on ne met pas de pommes de terre, comme je l’ai déjà dit. Deux : on n’ajoute pas de langouste ou de loup. Il faut être fada, au prix de ces bestioles. En plus c’est gâcher un poisson qui mérite d’être délicatement grillé sur un feu de sarments pour délivrer toute sa saveur. Je n’ose même pas dire que pour la langouste il y a mieux à en faire qu’à la faire trempouiller dans une bouillabaisse ?
- Non ! Ce n’est pas la peine !

Arsène était résigné à écouter jusqu’au bout la recette de la bouillabaisse à la manière de la mère Patisson. Si Seulement Paul avait pu arrêter de lui souffler son haleine alcoolisée dans les narines !
- Trois : il y en a qui ajoutent quelques gouttes de pastis à la fin de la cuisson. Nous, non !
Au moins c’était clair. Paul expliqua que pour son fond de bouillabaisse, il utilisait tout un tas de sortes de petits poissons de roche, tels que le gobie, des rouquiers, des girelles au goût si particulier, des perches de mer, des serrans… et des bouts de fielas ou de murène.
- De fielas ? interrogea Arsène.
- Le fielas, c’est ce que vous autres vous appelez le congre.
- Ah ?

Il poursuivit sur les poissons qui font le corps de la bouillabaisse comme la rascasse et sa jumelle la scorpène, à la belle robe rouge, ou encore le grondin, la vive, la mostelle, l’indispensable Saint-Pierre. Il précisa qu’il n’oubliait jamais de mettre également quelques moules et des « favouilles », sorte de petits crabes.
- Dans les grandes occasions, et quand j’en trouve, je rajoute « li chambri de mar ».
- C’est-à-dire ?
- Des cigales de mer, mais par chez nous, on en trouve de moins en moins.

C’est juste après la leçon sur la bonne façon de réussir la rouille et les croûtons qu’Elwood  réussit à mettre le holà. Il était une heure passée quand ils arrivèrent à s’extirper des griffes amicales du roi de la bouillabaisse.
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